Lors des Journées Européennes du Patrimoine, une balade paysagiste dans une ferme d'élevage du Lauragais
Une ferme d'élevage en Lauragais, à Caignac (31)
Le GAEC du Mirabail, avec Serge Barthes, éleveur laitier
Il faut monter pour arriver à la ferme. Il faut gravir la colline pour atteindre la crête où sont installés les bâtiments d’élevage. Dominant le paysage, la cour de la ferme s’ouvre sur un
immense panorama de plis et de replis du relief que forment les collines molassiques du Lauragais. Seule la présence tutélaire de la chaîne pyrénéenne en direction du Sud-Ouest vient borner la
vue par ce remarquable horizon les jours de temps clair.
Ces collines, motif essentiel du paysage, sont très largement cultivées, les champs s’étendent dans les versants. Les bourgs (tel Caignac) ou les fermes isolées (telle celle du Mirabail) occupent
les crêtes ; avec les denses cordons de végétation arborée qui les entourent pour les protéger des vents dominants (sud-est et ouest), ces installations humaines ressemblent à des sortes
d’oasis perchés. Éléments fixes du paysage, les boisements occupent les fonds de vallon étroits ainsi que les versants trop pentus et d’exposition nord. De façon plus ponctuelle, une végétation
spécifique de haies arbustives et arborées signale, ici et là, ruptures de pente, marque les talus ou suit le tracé des chemins. Ce sont des éléments repère qui animent le paysage, apportent une
échelle à la perception et racontent l’histoire des mises en valeur passées du territoire.
La ferme du Mirabail domine la colline qu'elle "gouverne" pour la production des cultures fourragères
Le Mirabail correspond au siège historique de l’exploitation. Celle-ci compte aujourd’hui 190 ha de terres, réparties en deux activités principales : les productions céréalières d’un côté,
les cultures fourragères de l’autre, destinées à l’alimentation des 55 vaches laitières. C’est dans les paysages de ces cultures fourragères que se déroulait la balade, autour de cette colline du
Mirabail.
Pour comprendre les liens entre le travail de l’agriculteur-éleveur laitier et le paysage, il semblait important de vivre l’expérience du paysage de cette colline.
La perception première du paysage renvoie l’image d’une succession sans fin de collines. Ainsi, nos explications paysagistes apportaient une sorte de mise en ordre de la perception, pour faire
exister cette colline au sein d’un ensemble organisé d’autres collines, formant un bassin versant de quelques 200 ha.
La colline du Mirabail, au sein du bassin versant du Colomier (ou Limandre pour les locaux)
Une fois réalisé ce décryptage géographique du paysage, la présence d’un lac en fond de vallon, signalé par le scintillement de l’eau, devient plus clair : il s’agit d’une retenue collinaire
créée en 1993. Destiné à l’irrigation des cultures – en l’occurrence le maïs fourrager au GAEC du Mirabail - , ce plan d’eau de 5ha environ constitue aujourd’hui un réel élément qui participe de
la qualité du paysage. C’est aussi un élément patrimonial à plus d’un titre :
. Patrimoine agricole au sens premier du terme, l’aménagement de cette retenue d’eau est venu conforter la viabilité des exploitations, puisque l’arrosage des cultures fourragères apporte la
garantie, face aux aléas climatiques, de produire le fourrage nécessaire à l’alimentation des animaux, ici des vaches laitières, et cela, quelles que soient les conditions climatiques.
. Patrimoine écologique, puisque la présence de l’eau a favorisé l’installation d’une flore et d’une faune liées à ces milieux lacustres, aux abords et même dans le lac avec les poissons qu’il
abrite.
. Patrimoine écologique associé, la protection des berges contre l’érosion dégage sur le pourtour du lac de larges bandes herbeuses non cultivées, et entretenues par une fauche tardive annuelle.
Ces espaces de pelouses extensives de bas de versant sont des lieux où peut s’exprimer la diversité du vivant, telle qu’en témoigne au printemps la floraison d’orchidées.
. Patrimoine paysager, la présence calme du lac incite à la contemplation et apporte au lieu toute la magie associée à l’eau, au bruissement des feuilles de peupliers, des saules blancs… La
sobriété de l’aménagement qui a su composer avec les formes du relief, la discrétion de la digue autant que l’ambiance « naturelle » des abords, fond de ce lac un lieu de grande
qualité, améliorant le paysage et, plus largement, le cadre de vie des riverains, par les pratiques sociales dont il est le support, telle la pêche.
Le "lac", une retenue collinaire agricole qui participe de la qualité des paysages
Au fil de la balade dans le paysage, il s’agissait ainsi de multiplier les angles de vue, les modes de perception (en situation dominante, en pied de pente, sous le bois) et, partant, de
traverser la diversité des parcelles de culture : herbage de Ray-Grass, champ de luzerne et trèfle blanc, champs de maïs ou de sorgho fourragers.
Ces différents types de végétation qui créent une variété de textures, de couleurs et de hauteur de plantes ainsi qu’une marqueterie parcellaire changeante au fil des rotations, permettaient
d’apprécier ce que l’activité d’élevage apporte au paysage en terme de diversité, de variation saisonnière, dans cette région collinaire du Lauragais par ailleurs largement dévolue à la culture
céréalière (blé notamment).
La colline cultivée du Mirabail, un paysage de l'élevage en Lauragais